Une scène sur la scène : un grand cercle de lumière blanche, comme un dance floor en attente de clubbers. Il entre justement, baskets et démarche souple, sous-vêtements blancs amalgamant exhibition de soi et retrait de l’intime. Il avance d’un air assuré et parfaitement étudié, s’arrête dans une pose à peine déhanchée, moderne David devant son miroir. Il arpente l’espace lumineux, s’y arrête, au milieu, au bord, répond aux injonctions silencieuses d’un regard devant lequel il faut toujours se montrer à son avantage. Il sort. Puis revient, suivi d’un autre, plus lent, plus massif. Deux hommes, deux corps, même pose au bord du cercle, en contraposto comme on disait chez les artistes de la Renaissance. Deux corps, deux solos pour un duo qui commence, deux rythmes propres, plus vif et projeté dans l’espace pour l’un, plus statique et ramassé pour l’autre. Ils ne se voient pas, ne se touchent pas, ils s’ignorent, défilent, s’exposent, s’arrêtent pour concentrer les regards. Le David chantonne, marche à grands pas, saute et s’élance, l’autre, impassible, déplace
sa plastique d’Héraclès. Ils occupent tous deux l’espace du dance floor, ils ne se parlent pas,ne se regardent pas. C’est inutile, à elle seule la présence de l’autre justifie leur feinte indif-férence. Noir.
Puis presque noir. En backroom, sur une musique soft à peine balancée, les deux garçons dansent. Ils échangent questions et réponses :
« Where are you ? » « I am here », « Look at me », « Do you hear me ? », se cherchent dans l’obscurité, tâtonnent, lançant leurs appels comme des signaux qui se perdent. Leur agitation corporelle ne sert à rien, ne les mène à rien, ils dansent, s’épuisent, s’essoufflent. Ils s’égosillent en vain dans le noir redevenu total. Histoire de deux hommes qui n’ont pas réussi à se rencontrer vraiment, d’une relation qui n’aura jamais lieu.